L’oppression sexuelle au sein du totalitarisme dans Le meilleur des mondes de Aldous Huxley et La servante écarlate de Margaret Atwood. 

Russie, 1917. Staline accède au pouvoir à la suite d’une Révolution qui fait chuter le dernier tsar. Jusqu’en 1929, il impose un régime totalitaire personnel, le stalinisme. De 1933 à 1945, en Allemagne, c’est autour d’Hitler d’entreprendre un changement politique basé sur le totalitarisme. Ces dictatures, deux parmi tant d’autres, ont marqué la population mondiale. Ces régimes totalitaires, bien que différents, ont suivi une même méthode : celle de l’oppression. La répression mentale, mais aussi physique, jusqu’au contrôle de la sexualité. Adolf Hitler prônait particulièrement la famille et le système patriarcal. Cet intérêt porté vers la valeur familiale signifiait une importance essentielle accordée à la reproduction, non pas à la sexualité en elle-même, mais seulement à la procréation. Hitler avait un désir de créer une nouvelle race, les Aryens, et afin d’arriver à ce but eugéniste, il incitait au refoulement du plaisir sexuel par la propagande religieuse, sociale et politique pour mieux régulariser les naissances.[1] Cette idée de refréner les pulsions sexuelles est présente aussi ailleurs, dans toute forme de pouvoir. Le contrôle des naissances au sein du régime communiste chinois[2] et la misogynie religieuse[3] en sont de bons exemples. La sexualité et la dictature sont étroitement liées puisque l’esclavage sexuel et les mutilations corporelles sont nombreux sous l’emprise d’un pouvoir politique, car ils permettent une meilleure soumission envers l’autorité patriarcale. Cette oppression sexuelle au sein du totalitarisme est abordée à différents niveaux par Margaret Atwood dans La servante écarlate et Aldous Huxley dans Le meilleur des mondes.

Couverture
Meilleur des mondes de Aldous Huxley 
Le roman d’anticipation de Aldous Huxley, Le meilleur des mondes (1932), est une œuvre de science-fiction se déroulant dans une société totalitaire où l’eugénisme caractérise principalement le système. Le personnage principal, Bernard, est né dans un laboratoire et endoctriné depuis sa naissance comme les autres individus. Au cours du roman, il découvre les réserves de sauvages, c’est-à-dire des communautés humaines qui vivent en dehors de l’État mondial et qui sont vues comme des individus plus primitifs. Bernard ramène l’un d’eux, John, provoquant par le fait même un changement dans sa vie programmée. Ce roman, le plus connu de l’auteur, est pertinent à analyser puisqu’il touche le contrôle des naissances et l’abolition de la maternité. Il est également considéré comme un chef-d'œuvre de la science-fiction et Huxley comme l’un des grands écrivains de la littérature contemporaine. 

La servante écarlate de Margaret Atwood


Dans La servante écarlate de Margaret Atwood, roman de science-fiction écrit en 1985, les femmes vivent sous une dictature religieuse qui s’est imposée à la suite d’un large problème d’infertilité. Afin de mettre fin à ce problème social, le système a divisé les femmes en trois classes dont l’une des catégories rassemble des femmes qui ne sont vivantes que pour être une matrice visant à la reproduction. L’œuvre est la reconstitution manuscrite des témoignages de Defred, une des femmes fertiles, lorsqu’elle vivait à cette époque totalitaire. L’analyse de La servante écarlate est pertinente pour développer la vision féminine de l’oppression sexuelle. L’auteure, reconnue comme étant l’une des écrivaines majeures de la littérature canadienne, est elle-même féministe et plusieurs de ses oeuvres soulèvent l’image de la femme.


L’analyse abordera la normativité du sexe, la vision péjorative de la sexualité féminine et l’absence de l’amour et du désir dans les relations au sein du totalitarisme dans l’œuvre d’Atwood et celle de Huxley.


La normativité du sexe


La normativité désigne quelque chose qui répond à des normes et des règles particulières. Une sexualité normative veut donc signifier des comportements sexuels cadrés par des normes imposées par un environnement social.[4] Un régime totalitaire contraint souvent le peuple par la propagande à suivre ses normes et ainsi, il établit un lien politique invisible avec l’intimité des gens.

Dans La servante écarlate de Margaret Atwood, la sexualité des citoyens dans cette société totalitaire est dépouillée d’instinct naturel. Le sexe, qui est à la base un état physique et émotionnel subjectif à chaque individu, est considéré comme un simple mécanisme servant à la procréation. Le régime politique, afin de pourvoir au problème d’infertilité, a imposé des normes qui viennent cadrer les comportements sexuels des gens. Les femmes ne sont alors que des « réceptacles » et les hommes, les détenteurs de la semence. Les Épouses, femmes infertiles, sont les seules qui peuvent avoir un mari, car les femmes fertiles condamnées à la reproduction ne peuvent séduire et donc, ne peuvent être en couple comme les Épouses. Defred, à l’égal des autres femmes, a dû se soumettre à ce nouveau système. La propagande joue un rôle important dans cette normativité : en leur montrant une situation sociale critique de laquelle découle une seule solution, ce nouveau système a réussi à faire admettre des normes qui oppriment la vie intime des citoyens.[5] De même, en endoctrinant depuis l’enfance les jeunes filles et en les élevant dans la crainte d’être infidèles envers leur statut, l’État réussit à leur faire croire collectivement qu’elles jouent un rôle important dans la continuité de l’espèce humaine. Elles approuvent donc ces règles et y adhèrent, car elles sont obligées de croire que c’est une réalité concrète. Bien que Defred ait pourtant connu une véritable sexualité avant le régime actuel, elle accepte cependant ce comportement mécanique, car l’endoctrinement s’est taillé une légère place dans son esprit. Mais c’est davantage la peur quant à sa sécurité qui l’oblige à accepter cette réalité et à refouler ses vrais désirs. Elle sait, comme toutes les femmes, que tout acte sexuel qui va au-delà de la reproduction est vu comme une infraction grave, tant par le gouvernement que par les autres, c’est pourquoi elles ne peuvent se libérer de cette normativité. Lorsque Defred est obligée par son maître à le côtoyer à l’abri des regards, ses désirs et ses craintes se confrontent : « Ma main descend, et pourquoi pas, je pourrai déboutonner, et puis… Mais c’est trop dangereux […] »[6]. Defred est à la fois prise entre sa vraie nature, ce qu’elle a été avant, et la normativité qu’on lui impose et que sa raison lui inflige à cause de l’influence de son environnement.

Ma présence ici est illégale. Il nous est interdit de nous trouver en tête à tête avec les Commandants. Notre fonction est la reproduction; nous ne sommes pas des concubines, des geishas ni des courtisanes. Au contraire : tout a été fait pour nous éliminer de ces catégories. Rien en nous ne doit séduire, aucune latitude n’est autorisée pour que fleurissent des désirs secrets, nulle faveur particulière ne doit être extorquée par des cajoleries, ni de part ni d’autre ; l’amour ne doit trouver aucune prise. Nous sommes des utérus à deux pattes, un point c’est tout : vases sacrés, calices ambulants.[7]

Defred s’impose elle-même les règles provenant de cette normativité sociale. Elle se répète les normes par crainte d’être en danger, de se faire arrêter ou tuer pour avoir commis un acte illégal. C’est aussi une façon de s’empêcher de faiblir devant l’illégal. La forte négation qui compose sa pensée exprime justement l’idée d’autorité de sa raison sur sa vraie nature. La jeune femme essaie de se convaincre que les normes sexuelles du régime sont réelles et ont un sens concret, que c’est plutôt elle qui est dans l’erreur : « Nous sommes des utérus à deux pattes […] vases sacrés, calices ambulants. » Elle compare le corps féminin à un objet, car les conventions religieuses lui ont enseigné que la femme doit être vue non pas comme un être humain, mais comme un « réceptacle » qui enfantera la lignée de l’homme. En usant du verbe être au présent, elle s’oblige à croire que cette image est une réalité. En somme, Defred est prise entre l’idée de la sexualité imposée dans la société et sa propre définition, c’est-à-dire une sexualité épanouie où le plaisir n’est pas illégal et où la reproduction n’est pas le seul objectif. Or, cette définition personnelle est considérée anormale aux yeux de l’autorité, car des citoyens ayant une plénitude sexuelle se soumettent moins à une dictature et ont davantage de chance  de se révolter.[8]

Dans Le meilleur des mondes de Aldous Huxley, les normes qui cadrent la sexualité des personnes incluent non seulement l’intimité, mais aussi la naissance des individus. La maternité et l’enfantement sont proscrits de la nature humaine, définis comme étant quelque chose de honteux. Les embryons évoluent dans des laboratoires jusqu’à la naissance et les bébés sont élevés ensuite sous un conditionnement rigide, généralement par hypnose. Or, cette éducation réglementée au sein de laquelle le lien affectif des parents est absent a un impact profond sur la vie affective et sexuelle de l’enfant à l’âge adulte. Cette approche permet une assimilation plus facile d’une normativité sexuelle venant d’un environnement social, c’est pourquoi les individus ne se posent pas la moindre question et admettent ce style de vie comme étant parfaitement normal. Par ailleurs, en plus du rejet systématique de la reproduction naturelle, la fidélité est vue également comme étant une qualité inepte, car elle favorise le développement affectif entre deux personnes et donc, une meilleure stabilité émotionnelle. Or, la stabilité est loin d’être recherchée par un État en pouvoir parce qu’elle est nuisible pour son contrôle. La sexualité n’est donc qu’un état purement physique, non émotionnel, dont le seul but est la satisfaction personnelle. Les corps sont ainsi caractérisés « comme de la viande »[9] tel que le fait remarquer Bernard, le personnage principal. Et afin d’éliminer d’autres concepts (ex. fidélité) quant aux rapports intimes, la sexualité précoce est intégrée au conditionnement des enfants qui apprennent à voir cet état comme un jeu, non pas individuel, mais collectif, écartant leur innocence et la notion des sentiments. Ceux qui ne se prêtent pas à ce jeu sont considérés anormaux et ayant un problème psychologique. C’est ce qui arrive lorsque le Directeur explique à ses élèves ces jeux enseignés aux enfants. L’un des petits garçons ne veut pas se joindre aux autres et rechigne tandis que la surveillante « […] l’emmène chez le Surveillant Adjoint de Psychologie. Simplement pour voir s’il n’y a pas quelque chose d’anormal. »[10]. Ces normes sexuelles sont ainsi intégrées non pas par une autorité rigide qui condamne, mais par un conditionnement mental si parfait que les individus ne sont pas en mesure de constater la domination qui se cache derrière cet endoctrinement.[11] Le Directeur, à la suite de cet évènement, raconte à ses élèves comment les enfants vivaient la sexualité avant le régime.

Il révéla l’ahurissante vérité. Pendant une très longue période avant l’époque de Notre Ford, et même au cours de quelques générations postérieures, les jeux érotiques entre enfants avaient été considérés comme anormaux (il y eut un éclat de rire) ; et non pas seulement comme anormaux, mais comme positivement immoraux (non!); et ils avaient, en conséquence, été rigoureusement réprimés.[12]

Le conditionnement psychologique quant à ce que doit être la sexualité est si profond qu’un acte sexuel non normatif est vu comme un signe d’une pathologie intérieure alors qu’il peut être pourtant naturel. Le guide répète plusieurs fois le mot « anormaux » devant ses étudiants afin de donner raison à la caractéristique négative qu’ils ont entendue maintes fois. De même, les étudiants eux-mêmes concèdent la vérité à leur conditionnement en exposant leur réaction, que ce soit par « un éclat de rire » ou un « non! » prononcé avec horreur. Ces réponses soulignent leur croyance aveuglée en cette normativité sexuelle, positivement normale, alors que l’oxymore qui oppose « jeux érotiques » et « enfants » montre qu’ils croient à des normes cachant une légère perversité. Une propagande habituelle n’aurait pas eu un effet aussi profond et drastique que le conditionnement imaginé par le gouvernement établi.

Defred et Bernard partagent tous deux un endoctrinement créé et pratiqué par un régime totalitaire. Celui-ci est peut-être différent, mais garde pourtant le même objectif, celui d’opprimer et de contrôler la partie la plus intime des individus afin d’obtenir une meilleure soumission de leur part. Bien que celui de Bernard semble être mis en place dès la naissance, voire même depuis la procréation artificielle, et que sa structure montre une plus grande complexité, leur endoctrinement a tout de même eu un impact similaire : il a fait intégrer des normes sexuelles qui, pourtant, n’étaient pas normales à l’époque précédant le système politique actuel. Ces normes se ressemblent à certains égards : la femme est toujours considérée comme une espèce inférieure, la relation mère-enfant est absente ou très peu favorisée, les liens amoureux sont proscrits des relations, les menaces d’infraction ainsi que la pression sociale les empêchent de contrecarrer ces règles et les enfants sont très tôt confrontés à cette normativité sexuelle par les jeux érotiques ou la préparation presque religieuse à un rôle futur dans la société. La seule variation réside dans l’objectif de cette normativité. Bernard vit dans une société où les normes hypersexualisent les individus afin de les amener à considérer le sexe comme une banalité et à entretenir l’idée de la consommation du corps tandis que Defred réside sous un régime dont les règles répriment le plaisir sexuel pour que les citoyens puissent ignorer leur état naturel et leurs désirs inconscients. Cet antagonisme suscite cependant le même résultat pour les régimes : un contrôle et une soumission plus intime.


La vision péjorative de la sexualité féminine


Les dictatures ou régimes totalitaires ont souvent une vision péjorative de la féminité, car étant avant tout des systèmes patriarcaux, ils gardent cette notion de supériorité par rapport à la femme. Et puisque la sexualité de la femme est intérieure, elle arbore un côté mystérieux et donc, une facette dangereuse qui doit être refoulée et qui ne doit pas égaler l’homme dans sa puissance sexuelle.[13] Elle est à la base de la misogynie[14], mais surtout des mutilations corporelles dans certains pays, telles que l’excision complète ou partielle du clitoris.[15]

Femme juive de Tanger de C. Zacharie Landelle
Dans La servante écarlate, bien que les hommes perdent eux aussi de leur liberté sous l’exigence du régime religieux, les femmes sont opprimées dans ce qu’elles sont et ne sont plus les égales des hommes. On considère la gent féminine comme de simples « utérus », du moins celles qui sont fertiles, et leur liberté sexuelle est bafouée au profit de la reproduction. La situation sociale évoquée par l’État est mise en avant pour légitimer le retour du caractère religieux au sein du régime et le contrôle sexuel des individus. La notion religieuse est la même que le dogme spirituel qui existait à l’époque où l’État partageait le pouvoir avec la religion. Les jeunes femmes sont élevées en suivant les préceptes de l’Église, c’est-à-dire les temps de prières et la foi en Dieu. Puisque cette doctrine religieuse est sévère envers la femme et sa place dans la société, combinée à un pouvoir politique patriarcal, elle souligne encore davantage la vision péjorative de la sexualité féminine. Le régime religieux différencie avant tout la reproduction de la sexualité. Elles ne sont pas considérées comme étant la même chose et seule la procréation est positive, car le rôle des femmes est purement reproductif. Le mari de l’Épouse, qui a engagé Defred, leur lit notamment un passage de la Bible qui dit « Croissez et multipliez, emplissez la terre.[16] » Ces verbes reliés à la procréation soulignent que la religion insiste fortement sur ce côté de la femme. Cependant, la sexualité est définie comme malsaine et les femmes ne peuvent donc pas s’épanouir sexuellement puisque leurs organes génitaux ne doivent être utilisés que pour accueillir le sperme et enfanter le bébé quelques mois plus tard. Le désir sexuel doit être réprimé, ce qui n’est pas le cas complètement pour l’homme qui a moins besoin d’être contraint sur le plan sexuel, car il n’y a que la puissance sexuelle masculine qui peut exister selon la religion. Celle de la femme est ignorée et c’est une notion religieuse assez ancienne, c’est pourquoi les femmes ne se révoltent pas contre l’endoctrinement qui les catégorise comme des « réceptacles » et non comme des femmes à part entière.[17] Les vêtements que Defred et les autres servantes doivent porter confirment notamment cette obsession à la fois de la pureté et du danger de la femme.

Les gants rouges sont posés sur le lit. Je les ramasse, les enfile à mes mains, un doigt après l’autre. Tout, sauf les ailes qui m’encadrent le visage, est rouge : la couleur du sang, qui nous définit. La jupe descend jusqu’aux chevilles ; elle est ample, reprise dans un empiècement plat qui couvre les seins, les manches sont larges. Les ailes blanches aussi sont réglementaires; elles nous empêchent de voir, mais aussi d’être vues.[18]

La couleur rouge est prédominante dans leurs habits, c’est pourquoi Defred le souligne à plusieurs reprises. Le rouge symbolise dans plusieurs cultures la passion, l’érotisme, le sang, l’interdiction aussi. Une femme qui porte du rouge est mal vue, car cela souligne sa sensualité et son caractère érotique, en plus de faire référence aux menstruations. Les Servantes portent le rouge pour signifier aux autres qu’elles sont destinées à la reproduction (lien avec les règles), mais qu’elles sont aussi dangereuses et sales, car elles ont un pouvoir qui ne leur appartient pas (le rouge symbolise aussi la puissance masculine), en plus d’accentuer l’effet d’interdiction. Toutefois, les ailes que Defred est obligée de porter représentent ce que le régime religieux désire des femmes : la pureté, la soumission. Les ailes font référence aux anges, qui eux, servent leur « père supérieur », représenté par l’État dans le roman. Et le blanc évoque la pudeur et la virginité, non pas au sens de l’absence de relations sexuelles, mais au sens de la chasteté quant au désir. De même, en cachant leur visage, le masque blanc incarne l’innocence aveugle. Ces habits sont semblables à une propagande, car même l’Épouse qui a engagé Defred « […] pense [qu’elle] risque d’être contagieuse, comme une maladie ou n’importe quelle forme malchance. »[19] Ainsi, leurs vêtements représentent les désirs et les jugements du régime religieux à l’égard de la femme.

Tänzerin de Jared Joslin
Dans Le meilleur des mondes, cette vision péjorative de la femme est beaucoup plus subtile que dans le roman de Margaret Atwood. Aux premiers abords, la femme semble être l’égale des hommes : elles peuvent elles aussi coucher avec n’importe quel homme et elles ne sont pas soumises à des normes qui répriment leur sexualité. Toutefois, le corps de la femme est toujours envisagé comme un objet. Dans le vestiaire des hommes, Bernard constate notamment la façon dont ses pairs décrivent les femmes qu’ils côtoient. Ils vont souvent utiliser l’adjectif « pneumatique » lorsqu’ils parlent de la gent féminine, lequel désigne quelque chose ayant la consistance d’un pneu ou qui fait référence à une poupée à air comprimé. À cause de la notion de collectivité reliée au corps, celui-ci est davantage vu comme une chose, c’est pourquoi les hommes ne voient que l’image esthétique et matérialiste du corps de la femme, d’où le mot « pneumatique ». Bernard se dit également qu’« ils parlent d’elle comme si elle était un morceau de viande. […] Je l’ai eue par-ci, je l’ai eue par-là! Comme du mouton! Ils la dégradent au rang d’une quantité équivalente de mouton! »[20] Le verbe « avoir » revient entre autres très souvent dans les discussions, tel qu’il le souligne, comme si les hommes parlaient d’un objet qu’ils désirent posséder, confirmant l’utilisation du mot « pneumatique ». Les femmes sont donc dégradées par les hommes en étant comparées à des objets ou à une viande fraîche.

Cette vision péjorative, bien qu’il n’y ait pas de haine ou de misogynie derrière cette vision de la femme par les hommes, s’impose toutefois moins que la véritable image négative. Ce qui est vu comme dépréciatif chez la sexualité féminine est plutôt son système reproductif. Celui-ci est même inexistant puisque la grossesse est considérée comme un état repoussant et honteux. Ce dégoût envers la gestation découle à la fois de leur endoctrinement et de l’absence totale de femmes enceintes au sein de l’État qui sont remplacées par une fécondation artificielle. La maternité qui coexiste avec la grossesse est également mal perçue et donc, le sentiment maternel par la même occasion. À vrai dire, la simple mention de ce sujet est tabou. Lorsque le Directeur explique aux étudiants ce qu’étaient des parents, un malaise général s’ensuit.

En un mot, résuma le Directeur, les parents étaient le père et la mère. – Cette ordure, qui était en réalité de la science, tomba avec fracas dans le silence gêné de ces jeunes gens qui n’osaient plus se regarder. – La mère…, répéta-t-il très haut, pour faire pénétrer bien à fond la science ; et, se penchant en arrière sur sa chaise :
- ce sont là, dit-il gravement, des faits désagréables, je le sais.[21]

Les parents sont comparés à de l’ordure et le simple mot « mère » est prononcé comme quelque chose de grave. Alors que la sexualité était un tabou auparavant, c’est au tour de la reproduction d’engendrer cet état de gêne chez les jeunes. Plus loin dans le livre, Linda, qui a été oubliée dans une réserve de Sauvages et qui a dû vivre parmi eux, se dégoûte elle-même d’avoir un fils et se compare à un animal de façon péjorative. La reproduction est donc catégorisée comme un système primitif, propre à la bête seulement et qui n’appartient pas à la femme. De ce fait, la femme est peut-être sexuellement épanouie, mais elle est toujours réprimée dans sa féminité puisque le système reproductif est un élément primordial de son corps.

Ainsi, le caractère totalitaire des deux régimes dénigre la sexualité féminine, que ce soit son plaisir sexuel ou son système reproductif. Ces notions péjoratives à l’égard de la femme permettent de la restreindre à un rang inférieur et de laisser la puissance patriarcale dominer les sphères de la société. Defred subit cette infériorité en ne pouvant qu’être une matrice vide de tout désir et les femmes que côtoie Bernard ne sont plus en mesure de connaître une partie merveilleuse de leur corps, c’est-à-dire la grossesse. Defred non plus d’ailleurs, du moins la maternité, car les femmes fertiles ne font qu’enfanter un nouvel être et doivent ignorer le lien maternel qui les unit à cet enfant. Cette absence de liens maternels favorise une déficience affective, laquelle ouvre une porte pour le contrôle psychologique (endoctrinement) et physique (oppression inconsciente). Un enfant n’ayant pas vécu dans le ventre de sa mère ou la maternité des premières années a davantage de chance de se soumettre à son environnement ou son conditionnement, en plus de ne pas avoir une saine sexualité en grandissant. En réprimant ce côté, les régimes gardent alors un cercle vicieux propice à un contrôle plus intime sans utiliser la force physique. Le meilleur des mondes et La servante écarlate explorent donc chacun l’oppression d’une partie de la femme, que ce soit sous la vision d’une femme ou même d’un homme.


L’absence de l’amour et du désir dans les relations


Un des objectifs de la normativité sexuelle est bien évidemment l’exclusion des sentiments dans une relation, car ils posent une menace pour l’insouciance de l’individu, insouciance importante à l’obéissance.

Dans La servante écarlate, cette absence complète de l’amour et du désir est particulièrement exposée par Margaret Atwood. Étant donné que le régime religieux condamne toute forme de sexualité autre que la reproduction, le désir et l’amour qui naissent des relations ne peuvent être exprimés. Defred ne peut approcher les hommes, sinon le mari de l’Épouse (le Commandant) durant la Cérémonie d’accouplement, car elle ne doit ni séduire ni aimer un membre de l’autre sexe :

Cela n’a aucun rapport avec la passion, ni l’amour, ni le romantisme, ni avec une des autres idées qui nous servaient à nous émoustiller. Cela n’a rien à voir avec le désir sexuel, du moins pour moi, et certainement pas pour Serena. Le désir et l’orgasme ne sont plus considérés nécessaires; ils ne seraient qu’un symptôme de frivolité, comme des jarretelles tape-à-l’œil, ou des grains de beauté : distractions superflues pour des écervelés. Démodées. Cela paraît étrange que les femmes aient jadis consacré tant de temps et d’énergie à s’informer de ces choses, à y penser, à s’en inquiéter, à écrire à leur propos. Il est tellement évident que ce sont des divertissements.[22]

Defred a appris, comme les autres femmes, que le désir est lié à la « frivolité » et au « divertissement », que ce n’est pas une sensation nécessaire à l’organisme. Cette façon de comparer le désir sexuel à des « distractions superflues » est un moyen acceptable du régime de voiler la véritable raison de cette absence. Toutefois, le seul fait de comparer ce symptôme de frivolité à des « grains de beauté » marque l’absurdité derrière cette caractéristique donnée aux pulsions puisque les grains de beauté sont des tumeurs bénignes et naturelles chez l’être humain. Or, « naturel » et « superflu » s’opposent, de même que « désir » et « distraction ». Ces contradictions apprises durant son endoctrinement soulignent la corruption qui se cache derrière ces notions que Defred se répète afin de donner un sens à la situation qu’elle doit vivre.

Il en va de même pour les Épouses, au sens où l’amour est moins présent du fait qu’elles doivent partager leur mari avec une servante fertile. Ce partage obligatoire crée sans le vouloir une inhibition du désir et de l’affection dans leur couple. Alors, elles viennent à éprouver une jalousie constante à l’égard de leur servante, comme Serena envers Defred : « Elle me voudrait pourtant enceinte, mission accomplie et bon débarras, plus d’enchevêtrements humiliants et suants, plus de triangles de chair sous le baldaquin étoilé de fleurs d’argent. Paix et tranquillité. »[23] Serena voit en Defred une sorte de maîtresse et la vue de sa servante laisse planer un dégoût en elle, lequel résulte de l’oppression que la servante impose sans le vouloir dans son couple. Ainsi, en octroyant le pouvoir de reproduction aux servantes, le régime a fait en sorte aussi que les Épouses soient réprimées dans leur sexualité. C’est le cas également pour les hommes. Ils ne peuvent approcher les femmes, sont sujets à la jalousie de leurs Épouses ou doivent s’accoupler sans ressentir de désir quelconque. La situation sociale quant à la fertilité a ainsi donc mis en place un cercle vicieux dans lequel le refoulement des pulsions touche la majorité des individus, peu importe leur classe.

Dans Le meilleur des mondes, la privation du sentiment amoureux entraîne les individus à rechercher un plaisir sexuel qui, dans ce cas-ci, ne sert qu’à divertir. Puisqu’ils vivent dans une société favorisant l’hypersexualisation, la sexualité perd de sa nature et devient une forme de consommation qui exclut l’amour entre deux personnes. C’est la satisfaction immédiate du désir sexuel : « Une fois, il m’a fallu attendre près de quatre semaines qu’une jeune fille que je désirais me permît de la prendre. […] C’était horrible! »[24] Le jeune étudiant exprimant ce qu’il a déjà vécu au Directeur montre par ses explications que les corps ne sont plus que des objets. Il n’y a que le plaisir en jeu, l’assouvissement des pulsions dans l’instant présent sans considération pour les émotions de l’autre puisqu’une personne qui refuse d’accepter d’avoir une relation sexuelle est jugée par ses pairs. Le désir n’est peut-être pas absent, mais le désir qui naît d’un attrait physique amoureux, lui, est omis des relations.

L’infidélité est donc de cette façon encouragée au détriment de la stabilité émotionnelle du couple. L’amour leur devient si étranger que la fidélité est aussitôt reliée à une anormalité comme le contraire l’est dans notre propre société. Une femme et un homme doivent avoir plusieurs partenaires sexuels, sans être nécessairement en couple. Rester plus d’un mois avec la même personne est vu d’un mauvais œil et Fanny le reproche notamment à Lenina : « Vous voulez vraiment me dire que vous sortez encore toujours avec Henry Foster? »[25] Le corps est considéré comme un bien collectif, un objet que tout le monde peut essayer à sa guise. Comme le répète l’État dans son endoctrinement, « chacun appartient à tous les autres »[26], c’est pourquoi les enfants sont conditionnés à apprendre cette mentalité sociale par l’entremise des jeux érotiques durant leur jeunesse.

Autant ils ont été endoctrinés à ne ressentir que du pur désir sexuel et à bafouer le sentiment amoureux, autant ils ont été élevés de sorte qu’ils ne puissent jamais avoir une image d’un couple. Habituellement, les parents sont en mesure d’offrir cette vision et la relation intime qui s’établit entre la mère et le bébé vient construire le lien affectif qui sera important durant les relations sociales, amoureuses et sexuelles à l’âge adulte. Or, en grandissant sans soutien maternel et paternel, une carence affective entraîne un blocage vis-à-vis l’amour, une fermeture que le régime exploite durant ses méthodes de traitement psychologique.

Tante Lydia, une ancienne institutrice de Defred dans La servante écarlate, répète souvent à ses élèves que « l’amour n’est pas nécessaire »[27]. Cette notion s’exprime de la même façon dans les deux romans : le sentiment amoureux est un état dangereux, frivole, qui ne mérite pas d’exister puisqu’il donne une impression de liberté, laquelle est l’ennemie de l’esclavage créé par le régime. Defred et Bernard ne peuvent éprouver ce sentiment, bien qu’il y ait une part d’eux désirant ressentir une émotion de ce genre. Par contre, le désir sexuel est absent d’une façon différente. Il est totalement comprimé dans La servante écarlate, mais dans le cas du Meilleur des mondes, c’est seulement le désir né de l’amour qui est refoulé, ne laissant que la valorisation des pulsions sexuelles primaires comme la possession d’une chose.

Cependant, les deux personnages essaient tout de même de s’échapper de cette abstraction des sentiments. Defred va entretenir une relation secrète avec l’un des employés du couple, Nicolas, et visiter avec le Commandant une boîte de nuit où le désir est vécut librement. Quant à Bernard, il va tenter de penser différemment et de faire valoir légèrement ses idées sur l’amour, notamment lorsqu’il sort avec Lénina : « Il me semblait que nous serions plus… plus ensemble ici. […] J’aurais voulu que cela ne se terminât pas par le coucher. »[28] Mais tous deux vont désirer davantage que ce que leur offre l’État, malgré leur doute et leur appréhension. Defred, pour sa part, va réussir à fuir le système grâce à son amant Nicolas, mais il n’en sera pas ainsi pour Bernard qui va décider d’accepter la réalité dans laquelle il vit et de cesser de contester les concepts.

Le totalitarisme a donc comme précepte d’oppresser la vie sexuelle des individus afin que ceux-ci aient une carence affective qui leur enlève une part de liberté. Soumettre la vie intime d’une personne à un contrôle permet d’accroître la puissance d’une dictature. C’est ce que fait le régime dans La servante écarlate de Margaret Atwood et Le meilleur des mondes de Aldous Huxley. Defred et Bernard sont élevés chacun dans un système qui détermine leur façon d’agir et de penser par l’entremise d’une normativité. Ces normes viennent cadrer leur vie sexuelle de multiples manières : les femmes comme Defred sont réprimées totalement dans leur plaisir sexuel tandis que dans le roman de Huxley, les individus vivent dans une société hypersexualisée qui entraîne la possession collective des corps. D’autre part, les femmes dans les deux ouvrages sont jugées dans ce qu’elles sont et leur sexualité est définie de manière péjorative. L’État dans La servante écarlate considère la sexualité des femmes comme étant dangereuse et ne devant pas exister, tandis que dans Le meilleur des mondes, c’est la reproduction qui est vue comme quelque chose de honteux et de dégoûtant, au point où la grossesse et le rôle des parents n’existent plus. L’amour ainsi que le désir qui en résulte sont également soustrait de la vie des citoyens puisqu’ils amènent une ouverture d’esprit propre à l’autonomie, laquelle va en contradiction avec les visions totalitaires des deux régimes.

Ces deux sortes de répression sexuelle exprimées par deux auteurs d’époques différentes rappellent nos sociétés actuelles. La religion, tout comme celle de Margaret Atwood, a établi dans plusieurs cultures une forme d’oppression sexuelle, empruntant de ce fait un côté totalitaire. On pourrait en nommer plusieurs, dont la religion catholique qui a réprimé longtemps la sexualité féminine ou la religion musulmane qui a fait naître de nombreuses polémiques quant au rôle de la femme. Alors qu’aujourd’hui, avec le capitalisme, c’est l’hypersexualisation présentée par Huxley qui prend maintenant une place omniprésente. Bien que les citoyens voient en cette liberté sexuelle un progrès positif, n’y a-t-il pas pourtant des risques que nous nous rapprochions de la conception sexuelle du Meilleur des mondes? Cette large ouverture sexuelle, en opposition avec l’ancienne vision religieuse exploitée par Atwood, ne cache-t-elle pas une autre forme de répression?






[1] L. Auzas, Notes sur la sexualité sous le troisième Reich, [article en ligne], (consulté le 20 mai 2012).
[2] Centre d’informations internet de Chine, Le contrôle des naissances, [en ligne], (consulté le 9 mai 2012).
[3] I. Manif, La misogynie , le pilier du fascisme religieux, [article en ligne], (consulté le 9 mai 2012).
[4] Sexologie à Liège, Entre norme, normativité et performance : où est la place de mon plaisir ?, [article en ligne], (consulté le 10 mai 2012).
[5] F. Brune, Sous le soleil de Big Brother : précis sur 1984 à l’usage des années 2000, p. 75 à 85.
[6] M. Atwood, La servante écarlate, p. 121.
[7] Ibid, p. 164.
[8] V. Boynton, « The sex-cited body in Margaret Atwood » dans SCL, [article en ligne], (consulté le 11 juin 2012).
[9] A. Huxley, Le meilleur des mondes, p. 72.
[10] Ibid, p. 50.
[11] H. Arendt, Le système totalitaire.
[12] Loc. cit.
[13] M. Tremblay,  Le système patriarcal à la base des inégalités entre les sexes, [article en ligne], (consulté le 21 mai 2012).
[14] J-P. Picot, « Féminité et contre-utopie » dans Les cahiers du GRIF, [article en ligne], (consulté le 11 juin 2012).
[15] Les droits de l’enfant, L’excision des fillettes, [en ligne], (consulté le 21 mai 2012).
[16] M. Atwood, La servante écarlate, p. 110.
[17] V. Boynton, « The sex-cited body in Margaret Atwood » dans SCL, [article en ligne], (consulté le 11 juin 2012).
[18] Ibid, p. 18-19.
[19] Ibid, p. 20.
[20] A. Huxley, Aldous, Le meilleur des mondes, p. 64.
[21] Ibid, p. 42.
[22] M. Atwood, La servante écarlate, p. 116.
[23] Ibid, p. 244.
[24] A. Huxley, Le meilleur des mondes, p. 64.
[25] Ibid, p. 58.
[26] Ibid, p. 65.
[27] M. Atwood, La servante écarlate, p. 261.
[28] A. Huxley, Le meilleur des mondes, p. 112-113.


 Médiagraphie

 
Arendt, Hannah, Le système totalitaire, coll. Points-Essais et Points-Politiques, Paris, Éditions du Seuil, 1972, 313 p.
Auzas, Lilian, « Notes sur la sexualité sous le troisième Reich », dans Cream-Lyon, [article en ligne], [http://www.cream-lyon.org/IMG/pdf/La_sexual_1_.pdf], (site consulté le 20 mai 2012).
Boynton, Victoria, « The sex-cited body in Margaret Atwood » dans SCL, no. 2, vol. 27, 2002, [article en ligne], [http://journals.hil.unb.ca/index.php/SCL/article/view/12791/13773], (site consulté sur Érudit le 28 février 2012).
Brune, François, Sous le soleil de Big Brother : précis sur 1984 à l’usage des années 2000, Paris, l’Harmattan, 2000, p. 75 à 85.
Centre d’informations internet de Chine, « Le contrôle des naissances », 2004, dans French China, [article en ligne], [http://french.china.org.cn/french/130829.htm], (site consulté le 9 mai 2012).
Henderson, Suzanne, Étude sur Huxley : Le meilleur des mondes, coll. « Résonances », Paris, Ellipses-Marketing, 2003, 128 p.
Manif, Iran, « La misogynie , le pilier du fascisme religieux – Première partie », 2010, [article en ligne], [http://www.iranmanif.org/index.php?option=com_content&view=article&id=329:la-misogynie-le-pilier-du-fascisme-religieux--premiere-partie&catid=21:femmes&Itemid=33 ], (site consulté le 9 mai 2012).
Picot, Jean-Pierre, « Féminité et contre-utopie », dans Les cahiers du GRIF, no. 1. vol. 47, 1993, p. 87-100, [article en ligne], [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/grif_0770-6081_1993_num_47_1_1874], (site consulté sur Persée le 6 février 2012).
Sexologie à Liège, « Entre norme, normativité et performance : où est la place de mon plaisir? », dans Sexologie à Liège, [article en ligne], [http://www.sexologieliege.be/selection-darticles/de-notre-plume/entre-norme-normativite-et-performance--ou-est-la-place-de-mon-plaisir-.html], (site consulté le 10 mai 2012).
Tremblay, Manon, « Le système patriarcal à la base des inégalités entre les sexes », 2004, dans Sisyphe, [article en ligne], [http://sisyphe.org/spip.php?article1080], (site consulté le 21 mai 2012).
Les droits de l’enfant, « L’excision des fillettes », dans Les droits de l’enfant, [article en ligne], [http://www.droitsenfant.com/excision.htm], (site consulté le 21 mai 2012).